Des macromolécules organiques détectées par Rosetta dans la comète Churyumov-Gerasimenko

Une équipe scientifique internationale impliquant des chercheurs de l’UPEC, des universités d’Orléans, Paris-Sud et Grenoble-Alpes, et du CNRS a détecté de la matière organique de haut poids moléculaire dans les poussières éjectées par le noyau de la comète.

Ces résultats, issus de l’instrument COSIMA (Mission Rosetta), sont publiés dans la revue Nature et en ligne le 7 septembre 2016.

Les comètes sont parmi les objets contenant le plus de carbone dans le système solaire. La couleur sombre de leur noyau a d’ailleurs souvent été associée à sa présence. Elles ont pu apporter sur la Terre primitive des molécules organiques (à base principalement de carbone, hydrogène, azote et oxygène) qui ont pu jouer un rôle dans l’évolution chimique qui a conduit à l’apparition de la vie sur notre planète. La nature des molécules cométaires pourrait aussi nous aider à déchiffrer l’histoire de la matière depuis son origine dans le milieu interstellaire jusqu’à son incorporation sur Terre. Ainsi, nous comprendrions mieux la formation et l’évolution de notre système solaire dans son ensemble.

L’un des objectifs de la mission Rosetta de l’Agence spatiale européenne (ESA) est de dresser un inventaire le plus complet possible des ingrédients chimiques constituant le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. L’un des instruments de la sonde, ROSINA, a déjà mesuré une très grande diversité de molécules gazeuses relativement légères dans l’atmosphère de la comète, dont des hydrocarbures, alcools, aldéhydes, ou encore récemment de la glycine. Ces mesures ont été complétées par la détection d’autres molécules en phase gazeuse mesurées à la surface du noyau par les instruments COSAC et PTOLEMY à bord de l’atterrisseur Philae.

L’instrument COSIMA est un spectromètre de masse dédié à l’étude des particules solides présentes dans l’atmosphère cométaire. Il est placé sur la sonde spatiale qui continuera à naviguer à proximité du noyau jusqu’au 30 septembre 2016, date à laquelle la sonde européenne Rosetta terminera sa mission. Depuis août 2014, cet instrument a collecté plusieurs dizaines de milliers de petites particules solides éjectées depuis le noyau de la comète. Certains de ces fragments du noyau ont été analysés à bord de Rosetta.

Les chercheurs ont détecté des macromolécules organiques solides dans les particules de la comète. Cette matière est si complexe qu’on ne peut pas lui attribuer une formule chimique, ni même un nom suivant la nomenclature chimique usuelle. Elle présente des analogies avec la matière organique insoluble contenue dans les météorites carbonées, mais elle contient plus d’hydrogène que celle-ci, ce qui laisse penser qu’elle serait plus primitive. Elle aurait ainsi été moins altérée dans les comètes que la forme présente dans les météorites qui a été chauffée et transformée depuis son origine. Elle résulterait donc de processus présents lors des tout premiers stades de formation du système solaire.

En s’appuyant, entre autres, sur des simulations en laboratoire, les scientifiques s’attendaient aussi à trouver une multitude de molécules organiques, avec des formules dans le prolongement de ce qui a été détecté en phase gazeuse, mais en plus lourd, sous forme solide et avec des structures bien définies. Ces molécules de masses intermédiaires n’ont pour l’instant pas été détectées en phase solide dans les particules cométaires. La discontinuité entre les familles de composés gazeux détectés par les autres instruments de Rosetta, et cette phase organique macromoléculaire mise en évidence par COSIMA, suggèrent qu’il pourrait y avoir plusieurs sources distinctes de matière organique qui ont été mélangées lors de la formation du noyau cométaire. Le fait que les macromolécules détectées soient omniprésentes, et qu’elles soient la seule forme de matière organique détectée à ce jour dans les particules cométaires, sont des indices précieux pour comprendre la formation des comètes et déchiffrer l’histoire des tout premiers temps du système solaire.

Ces travaux ont été financés en grande partie par le CNES et le Labex ESEP.

Images de deux particules cométaires, appelées Kenneth et Juliette, collectées et analysées par l’instrument COSIMA, et dans lesquelles des macromolécules organiques ont été détectées.
Crédits image : ESA/Rosetta/MPS for COSIMA Team MPS/CSNSM/UNIBW/TUORLA/IWF/IAS/ESA/BUW/MPE/LPC2E/LCM/FMI/UTU/LISA/UOFC/vH&S/ Fray et al (2016)

Comparaison entre un spectre de masse mesuré par l’instrument COSIMA de la sonde spatiale Rosetta de la particule cométaire Kenneth, et des macromolécules (IOM, Insoluble Organic Matter) extraites de la météorite de Murchison. Les spectres rouges sont mesurés sur les échantillons, et les spectres noirs à proximité, pour références instrumentales. Les IOM météoritiques sont les seules molécules de la bibliothèque de spectres de références de l’instrument présentant une similarité avec les échantillons cométaires. La comparaison entre l’intensité des pics attribués à CH+, CH2+ et CH3+ et l’intensité du pic attribué à C+ dans les deux échantillons laisse penser que la matière cométaire est la plus riche en hydrogène, et donc mieux préservée que la matière météoritique connue à ce jour.
Crédits image : ESA/Rosetta/MPS for COSIMA Team MPS/CSNSM/UNIBW/TUORLA/IWF/IAS/ESA/BUW/MPE/LPC2E/LCM/FMI/UTU/LISA/UOFC/vH&S/ Fray et al (2016)

Contacts Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphériques (LISA)
Nicolas Fray, nicolas.fray lisa.u-pec.fr, 01 45 17 15 43
Hervé Cottin, herve.cottin lisa.u-pec.fr, 06 98 28 98 25

Références :
High-molecular-weight organic matter in the particles of comet 67P/Churyumov-Gerasimenko,
Fray, N., Bardyn, A., Cottin, H., Altwegg, K., Baklouti, D., Briois, C., Colangeli, L., Engrand, C., Fischer, H., Glasmachers, A., Grün, E., Haerendel, G., Henkel, H., Höfner, H., Hornung, K., Jessberger, E.K., Koch, A., Krüger, H., Langevin, Y., Lehto, H., Lehto, K., Roy, L.L., Merouane, S., Modica, P., Orthous-Daunay, F.-R., Paquette, J., Raulin, F., Rynö, J., Schulz, R., Silén, J., Siljeström, S., Steiger, W., Stenzel, O., Stephan, T., Thirkell, L., Thomas, R., Torkar, K., Varmuza, K., Wanczek, K.-P., Zaprudin, B., Kissel, J. and Hilchenbach, M. Nature, 2016, (http://dx.doi.org/10.1038/nature19320).

À propos de l’UPEC

Avec sept facultés, cinq instituts et un observatoire des sciences de l’Univers, l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne est présente dans tous les domaines de la connaissance depuis 1971. Les enseignants-chercheurs et les enseignants forment chaque année plus de 30 000 étudiants et actifs de tous les âges. Acteur majeur de la diffusion de la culture académique, scientifique et technologique, l’université dispense un large éventail de formations dans plus de 300 disciplines, de la licence au doctorat. Elle offre ainsi un accompagnement personnalisé de toutes les réussites, grâce à des parcours de formation initiale, des validations d’acquis et la formation continue, ou encore par le biais de l’apprentissage.

À propos du Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphériques (LISA)

Le LISA est un laboratoire de l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne, de l’Université Paris Diderot et du CNRS.Ses principaux thèmes de recherche portent sur la compréhension du fonctionnement des atmosphères terrestres et planétaires, et des impacts liés à la modification de la composition de l’atmosphère par les activités humaines. Les méthodes utilisées sont fondées sur des observations en atmosphère réelle, sur de la simulation expérimentale en laboratoire et de la modélisation numérique.
Il fait partie de l’Observatoire des Sciences de l’Univers EFLUVE, de la Fédération de recherche IPSL et du Labex ESEP en ce qui concerne les activités spatiales.