Rosetta présente de nouveaux résultats sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Les premiers résultats de sept instruments parmi les onze à bord de l’orbiteur de Rosetta ont été publiés le 23 janvier 2015 dans l’édition spéciale de la revue Science en se basant sur des mesures effectuées pendant la phase d’approche jusqu’à la mise en orbite de Rosetta autour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Ces résultats ont notamment été obtenus grâce aux instruments OSIRIS, MIRO, VIRTIS et ROSINA dans lesquels plusieurs laboratoires d’ESEP sont impliqués. Rosetta a ainsi mis en évidence les caractéristiques de surface de la comète et permis de comprendre certains processus contribuant à son activité, révélant un mécanisme d’évolution complexe.

Les instruments à bord de Rosetta ont permis de déterminer de nombreuses caractéristiques physiques de cette surprenante comète constituée de deux lobes, comme ses dimensions, sa densité (entre 1500 et 2000 kg/m3) et sa porosité (entre 70 et 80%).

Principales propriétés de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko
Principales propriétés de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Crédits : ESA

Cartographie et analyse du noyau cométaire

La caméra scientifique OSIRIS, dans laquelle sont impliqués le LESIA et le LATMOS, a cartographié pas moins de 70% de la surface de la comète 67P/C-G, les 30% restants se trouvant dans l’hémisphère sud qui n’a pas encore été totalement éclairé par le Soleil depuis que Rosetta est à proximité de la comète. Les images prises par la caméra OSIRIS mettent en évidence une forme cométaire singulière présentant deux lobes reliés par un « cou » dont l’origine demeure inexpliquée. La composition de sa surface est globalement homogène. Les scientifiques ont identifié 19 régions suivant le type de terrain (poussiéreux, plat, rocheux…).

Carte des 19 régions de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko
Carte des 19 régions de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko

Crédits : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

En effet, 67P/C-G présente des structures géologiques variées résultant de phénomènes d’érosion, d’effondrement et de redéposition. Une grande partie de l’hémisphère nord est couverte de poussières. L’activité se concentre actuellement dans le « cou » de la comète. L’ensemble des images obtenues avec OSIRIS a permis d’obtenir un modèle en trois dimensions de la comète et de déterminer la topographie détaillée du premier site d’atterrissage de Philae. La combinaison de ces données avec la mesure de la masse a permis pour la première fois de calculer la densité d’un noyau cométaire et d’en déduire dans le cas de 67P/C-G une très forte porosité.

Une partie de la région Imhotep sur le grand lobe de la comète 67P/C-G ; (...)
Une partie de la région Imhotep sur le grand lobe de la comète 67P/C-G ; l’image a été prise par la caméra à angle étroit d’OSIRIS le 5 septembre 2014. La région montre différents types de terrain : terrain plat (A), superposition de ce terrain sur les bords (B), matériau plat sur des surfaces plus hautes (C), structures circulaires (D), et un matériau consolidé en couches (E) s’élevant jusqu’à une structure semi-circulaire de 650 mètres (G) ; une fracturation du matériau amalgamé est évidente (F)

ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

Une comète riche en matériaux organiques

VIRTIS, instrument impliquant fortement le LESIA qui a développé la voie haute résolution et qui participe à l’analyse de ses données, a fourni les premières détections de matériaux organiques sur un noyau cométaire. Ses mesures de spectroscopie indiquent la présence de divers matériaux contenant des liaisons carbone-hydrogène et/ou oxygène-hydrogène, la liaison azote-hydrogène n’étant pas détectée à l’heure actuelle. Ces espèces sont associées avec des minéraux opaques et sombres tels que des sulfures de fer (pyrrhotite ou troïlite). Par ailleurs, ces mesures indiquent qu’aucune zone riche en glace de taille supérieure à une vingtaine de mètres n’est observée dans les régions illuminées par le Soleil, ce qui indique une forte déshydratation des premiers centimètres de la surface.

La composition de la surface cométaire est très homogène avec une petite (...)
La composition de la surface cométaire est très homogène avec une petite différence au niveau de la région du « cou » qui pourrait contenir de la glace d’eau

Capaccioni et al.
Crédits : ESA/Rosetta/VIRTIS/INAF-IAPS/OBS DE PARIS-LESIA/DLR

Les propriétés de surface de 67P/Churyumov-Gerasimenko

L’instrument MIRO du JPL, développé pour partie au LERMA et dont les données sont exploitées par le LESIA, a permis d’établir des cartes de la température de la surface et de la sous-surface cométaires. Ces cartes montrent des variations saisonnières et diurnes de température, faisant supposer que la surface est faiblement conductrice au niveau thermique, en raison d’une structure poreuse et peu dense. Les poussières, dont l’épaisseur pourrait couvrir plusieurs mètres par endroits, joueraient un rôle essentiel en isolant l’intérieur de la comète et protégeant ainsi les glaces qui existeraient sous la surface.
MIRO a également montré une augmentation générale du taux de production de vapeur d’eau, passant de 0,3 litre par seconde début juin 2014 à 1,2 litre par seconde fin août 2014. De plus, une partie considérable de l’eau observée pendant cette période provient de la région du « cou » de la comète.

Carte de température de sous-surface du noyau (en isocontours) mesurée par (...)
Carte de température de sous-surface du noyau (en isocontours) mesurée par l’instrument MIRO. L’éclairage de la surface du noyau est représenté en arrière-plan. Les plus basses températures (-250°C, en bleu) sont sur la face non ensoleillée (à gauche sur la figure)

Gulkis et al.
Crédits : ESA/Rosetta/NASA/JPL-Caltech

Détection de molécules issues du dégazage de 67P/C-G, témoin de la formation du système solaire

Reliques à peine altérées par le temps, les comètes ont conservé les traces de la matière primitive présente lors de la formation du système solaire il y a environ 4,5 milliards d’années. Par conséquent, la composition de leur noyau et de leur coma est le reflet des conditions physico-chimiques du système solaire primitif. L’instrument ROSINA, auquel sont associés le LATMOS et le LPC2E, a mesuré la composition de la coma de 67P/C-G, observant de grandes fluctuations dans sa composition et une relation coma-noyau complexe où les variations saisonnières pourraient être induites par des différences de température existant juste sous la surface de la comète.
L’eau, qui correspond en général à la molécule dominante (mais pas toujours) détectée lors du dégazage, est accompagnée d’autres espèces dont le monoxyde de carbone et le dioxyde de carbone.
En combinant les données de ROSINA avec celles de MIRO et de GIADA obtenues entre juillet et septembre 2014, les scientifiques ont fait une première estimation du rapport poussière sur gaz, évaluant que la production de poussières était quatre fois supérieure en termes de masse à celle du gaz.

Rapport CO<sub>2</sub>/H<sub>2</sub>O mesuré par (...)
Rapport CO2/H2O mesuré par ROSINA entre le 17 août et le 22 septembre 2014

Crédits : ESA/Rosetta/ROSINA/UBern, BIRA, LATMOS, LMM, IRAP, MPS, SwRI, TUB, Umich